Claude Mesmin - Le goût de naître
Mettre au monde un enfant n’est pas une fonction biologique simple. Pour les mères, elle se situe en fonction du désir d’enfant qui plonge dans l’inconscient de chacune, de leurs capacités biologiques et de la culture dans laquelle chacune a été élevée.
Ayant travaillé de longues années avec des familles migrantes au Centre Georges Devereux, j’ai pu constater le bonheur de ces familles à avoir des enfants. En effet, combien de mères, des pays du sub-saharien, sont venues en France pour mettre au monde un enfant après cinq ou six fausses-couches dans leur pays. Elles savaient qu’à l’hôpital en France, les médecins détecteraient et soigneraient par exemple le diabète qui empêche que la grossesse parvienne à son terme. Je les ai accueillies chacune au mieux de leur souffrance, j’ai appris d’elles combien leur vie entre deux cultures est difficile pour elles et leurs enfants. J’ai été « modifiée » comme l’écrit Tobie Nathan, car ensuite il est impossible de poser le même regard sur chacune y compris les femmes autochtones. « L’ethnopsychiatrie est cette pensée psychologique qui accepte le défi de se voir modifiée par les attachements des patients. Il s’agit à la fois d’un acte d’hospitalité et d’un pari de type scientifique ».
Par la naissance de son premier enfant, une mère accomplit un certain devoir de gratitude d’abord à l’égard de sa propre mère, puis de sa famille ici et au pays. La blessure de l’infertilité est une douleur qui entraîne une perte de l’estime de soi. La vulnérabilité qui découle de ces échecs entraîne l’acceptation des nouvelles techniques de fécondation, PMA, IA et FIV, qui ne peuvent être accomplies dans tous les pays.
Mes questions sont depuis très longtemps toujours les mêmes : L’enfant est-il le maillon entre la culture de sa mère et de sa famille et la culture française donnée par l’école puis la société ? Est-ce que ce décalage est une question universelle qu’il faudrait poser, aussi bien pour ces familles migrantes que pour celles venant de la campagne vers les grands centres urbains, même si depuis une centaine d’années les façons de vivre et de penser se sont modifiées. Le mouvement féministe a changé la place des femmes dans notre société.
- La Route de la Soie - Éditions Mai 2020
- Genre : Essai
- ISBN : 979-1097042455
- Nombre de pages : 108
- Format : 12 x 19 cm
- Prix : 12€